Ecriture
La première page
Toi - moi
Poème de Andrée ChedidPar l'univers-planète univers à toute bride
Par l'univers-bourdon dans chaque cellule du corps
Par les mots qui s'engendrent
Par cette parole étranglée
Par l'avant-scène du présent
Par vents d'éternité
Par cette naissance qui nous décerne le monde
Par cette mort qui l'escamote
Par cette vie
Plus bruissante que tout l'imaginé
TOI
Qui que tu sois!
Je te suis bien plus proche qu'étranger.
(Andrée Chedid)
Parce que tout le monde se regarde...
Le miroir
de Damien CernakJe regarde enfin ce garçon dans le miroir.
“Je ne comprends pas, c’est moi ?”
“Mais depuis combien de temps je ne me suis pas regardé dans un miroir ?”
“Est-ce que je me suis déjà arrêté devant ?”
Ma main touche le verre, c’est froid. J’ai froid.
Je suis nu devant moi.
“Mais j’ai des boutons sur le visage !”
J’approche ma tête du miroir tout froid.
“Bordel c’est de l’acnée !”
“J’ai de l’acnée sur les joues ! J’ai des tusses plein la face !”
“Va falloir faire quelque chose là ça ne va pas être possible je ne vais pas pouvoir aller au collège comme ça !”
“Et ce ventre là, mais c’est quoi ce machin ?”
Je pétris ma peau comme de la pâte à pain.
“Mais ce n’est pas à moi ça, ce n’est pas possible”
“Va falloir faire quelque chose mon gaillard si tu veux pécho au camping cet été.”
“Allez faut me cacher tout ça !”
Je prends le fond de teint de ma mère et je m’en badigeonne le visage. J’enfile un tee shirt trop petit pour moi et je quitte enfin cette foutue salle de bain.
Je me sens nul, gros et moche.
“Mais non ! Allez demain ça ira mieux, tu verras.”
Parce que cet été j’ai été à Marseille...
Haiku Marseillais
de Damien CernakDanse densité
Fenêtre ensoleillée
Plage engorgée
Parce que Elle est en nous...
Elle
de Damien CernakCe matin-là,
le soleil se levait.
Presque pas dormi.
Elle était seule immobile face à la fenêtre,
les bras lui tombant le long de son corps nu.
La lumière.
Des larmes avaient séché sur ses joues
pleine de taches de rousseur.
Son visage c’était comme
un paysage de dunes dans le désert.
Léger rictus
qui laissait entrevoir ses deux lèvres
rouge vermillon.
Extérieur fenêtre
Un arbre au milieu d’un champ vide.
Son ombre inquiétante
qui se propage jusque la maisonnette.
La fenêtre pleine de buée,
comme une frontière entre deux mondes.
Tout à coup un corbeau
sur une branche de l’arbre.
Intérieur fenêtre
ELLE eut un léger frémissement
Ses doigts restés immobiles
se mirent à bouger.
Elle se remit à sangloter.